Difficile peut paraître un euphémisme quand j'ai écouté les deux mamans présentes hier matin sur la plateau de l'émission Les Maternelles (émission du 28/10/13). Le sujet était "CMV,toxoplasmose : des grossesses menacées". Toutes deux ont eu peur de devoir interrompre leur grossesse (pour les même inquiétudes que moi : handicap physique et/ou moteur du bébé) et toutes deux ont eu du mal à investir leur grossesse, voire se sont "retenues" de s'attacher à leur bébé". Bien que le mal n'était pas le même, je me suis beaucoup reconnue dans les propos de ces deux mamans.
Le docteur présent sur le plateau a introduit la discussion en indiquant que le discours du médecin qui apprend la chose aux parents fait l'effet d'une "annonce cataclysmique" pour ceux-ci. S'en suivent deux choses très difficiles ensuite : la culpabilité (qu'ai-je bien pu faire pour que mon enfant subisse cela) et l'incertitude (issue triste ou la normalité du bébé), incertitude que le corps médical ne peut pas réduire, en tout cas pas dans les premiers temps.
Je ne vais pas le répéter tout le long de l'article, mais bon sang, que je me reconnais dans ces propos, c'est absolument ce que j'ai ressenti.
"Notre bébé, on ne l'aurait jamais".
Les parents sont effrondrés à l'annonce d'une maladie pouvant atteindre de façon grave le bébé. "On ne s'attend pas à avoir notre bébé, on souhaite qu'une chose c'est l'interruption de grossesse". Les parents ont demandé l'IMG (interruption médicale de grossesse) mais les médecins se sont refusés à cette hypothèse car le bébé allait très bien pour eux, aucun problème de santé hormis son poids et sa taille. En plein travaux dans leur maison récemment achetée, elle explique "j'ai tout fait, mais alors tout, pour perdre ce bébé naturellement, j'ai poncé pendant des heures, pour ne pas à avoir à prendre une décision entre la vie et la mort de mon enfant".
Le docteur explique alors que dans ces cas là on a très envie de s'éloigner de ce bébé qui fait peur. Dans l'imaginaire c'est un bébé inquiétant. On demande l'interruption médicale de grossesse (IMG) de manière un peu brutale ou on essaye de s'éloigner très vite de cette grossesse ou que le bébé s'en aille tout seul. "Toutes ces choses là sont d'une souffrance vraiment intense dont les parents s'en veulent beaucoup par la suite. Avoir souhaité la disparition de son enfant est une véritable blessure qui accompagne ces parents là, et de façon durable." D'où l'importance, précise-t-il, du travail d'accompagnement auprès de ces couples y compris après la naissance, l'idéal étant de le faire pendant la grossesse.
L'attachement au bébé
"On l'aimait mais, mais s'y attacher, non" sont les mots de la maman présente sur le plateau. Elle explique ensuite que le prénom a été trouvé peu de temps avant la naissance du bébé, le matériel de puériculture, la semaine avant son accoucheent. Elle refusait que son mari touche son ventre, il n'avait pas le droit d'embrasser ou de parler à son ventre. "Je mettais une barrière pour ne pas qu'on aime ce bébé". Elle poursuit "on l'aimait tous les deux mais on espérait qu'une chose; qu'elle parte et qu'on ait jamais besoin de prendre cette décision à deux de faire une interruption de grossesse".
Et le papa dans tout cela?
Les papas sont tout aussi éprouvés que les mamans. Ils se sentent la responsabilité d'être le soutien des mamans. Il semblerait qu'ils ne s'autorisent pas à faire part ou sentir leurs émotions. Ils tentent de tenir et de faire bonne figure (notamment lorsquil y a des ainés). Après coup, à distance de la naissance, quand les choses sont organisées, ces papas ressentent les effets les effets de tout ce stress accumulé (ce qui a été le cas chez nous également).
L'après, la relation avec bébé
La grossesse est un tel calvaire que l'accouchement apparait comme une délivrance, on est soulagé qu'il soit là, finalement ce n'est que le début de l'inquiétude pour la santé du bébé, un autre marathon débute. "Dès sa naissance il a subi sa batterie d'examen, ce n'est pas un super démarrage dans la vie..."
Les deux mamans présentes sur le plateau s'accordent pour dire que ces bébés sont aujourd'hui des enfants qu'elles ont tendances à surprotéger, à laisser un peu tout faire, plus que pour leurs autres enfants en tout cas. L'une d'elle a eu peur tout le temps, les cinq premiers mois, maintenant elle est plus détendue sur le sujet.
Le docteur rajoute qu'il se tisse entre le bébé et ses parents, un lien complexe. c'est un enfant qui reste suspect car l'ombre de la maladie est toujours là, prête à cerner ces enfants. Le sparents tentent souvent de rattraper ce qui n'a pas été vécu durant la grossesse. Il conclut en disant que ce sont des enfants précieux au yeux de leurs parents, encore plus précieux que les autres enfants, a qui on laisse un peu tout passer.
Je ne peux m'empêcher de poser mon avis sur ce point. Je suis d'accord sur l'idée que le bébé reste "suspect". J'ai vraiment tendance à observer Raphaëlle, à veiller à ce qu'elle n'ait pas de retard de motricité, à me demander si telle ou telle chose est liée au RCIU qu'elle a subi durant la grossesse. Je ne suis pas plus tolérante à son égard que si la grossesse s'était passée de façon idyllique , en tout cas je ne le crois pas. Je ne pourrais comparer que s'il y a un deuxième bébé un jour... C'est un bébé précieux bien sûr.
Moi aussi j'ai voulu qu'elle parte, j'ai fait de la moto, eu des comportements à risque pour provoquer une fausse couche. Je m'en veux évidemment d'avoir pensé cela, d'avoir agi pour, alors qu'lle se battait pour vivre dans mon ventre. C'est difficile de ne pas être marqué par ces évènements mais il faut maintenant aller de l'avant et lui offrir une vie aussi belle que la grossesse a été angoissante.